Les Forces éternelles/La jeunesse des morts

La bibliothèque libre.

Comtesse de Noailles ()
Arthème Fayard & Cie, éditeurs (p. 37).

LA JEUNESSE DES MORTS


Le Printemps appartient à ceux qui lui ressemblent,
Aux corps adolescents animés par l’orgueil,
À ceux dont le plaisir, le rire, le bel œil
Ignorent qu’on vieillit, qu’on regrette et qu’on tremble.
— Ô guerrière Nature, où sont ces jeunes gens ?
Quel est ton désespoir lorsque saigne et chancelle
La jeunesse, qui seule est fière et naturelle
Et brille dans l’azur comme un lingot d’argent ?
Ces enfants, bondissant, partaient, contents de plaire
Au devoir, à l’honneur, à l’immense atmosphère,
Aux grands signaux humains brûlant sur les sommets.
Ils dorment, à présent, saccagés dans la terre
Qui fera jaillir d’eux ses rêveurs mois de mai…
— Songeons, le front baissé, au glacial mystère
Que la Patrie en pleurs, mais stoïque, permet.

Ils avaient vingt ans, l’âge où l’on ne meurt jamais…